Plane 3

Épave de navire
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En bref...

Vue de L'Archéonaute et d'un ferry sortant du port de Marseille, fouille de C. Dovis (© D. Metzger/DRASSM)

L’épave Plane 3, initialement appelée l'épave du rocher de l’Estéou, gît entre 10 et 26 m de profondeur dans l’archipel de Riou, à l’est de Marseille et au sud-est de l’île Plane. Découvert en 1975, ce navire de commerce d’origine sarrasine a sombré entre l’extrême fin du IXe et le tout début du Xe siècle. Il s’agit de la troisième épave sarrasine déclarée en France révélant les contacts entre le sud de la France et al-Andalus.

Histoire du site

Vue sous-marine d'un plongeur effectuant le levage au ballon d'une ancre en fer. Fouille de C. Dovis (© D. Metzger/DRASSM)

L’épave est découverte au pied du Rocher de l’Estéou par Serge Ximénès, lors de prospections réalisées en 1975. Elle a fait l’objet de fouilles pluriannuelles menées par son inventeur entre 1976 et 1978, avec le GRASM et le Comité Provence de la FFESSM. Le gisement, étendu sur 5000 m², se signalait par des restes de navire et par de grosses concrétions ferreuses (les ancres) ainsi que de nombreux tessons de céramique.
En 1994, une nouvelle campagne menée par  le DRASSM a eu pour objet la remontée d’une ancre à jas mobile.

Cargaison, mobilier et vie à bord

Vue d'une lampe sarrasine à bec et anse (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian)

Les opérations menées sur l’épave ont permis la découverte de 62 objets en céramique, essentiellement des conteneurs de grandes et de moyennes dimensions (jarres, amphores) mais également des cruches, pichets, vases à filtre et plusieurs lampes à huile caractérisées par un bec allongé. Ce mobilier a permis de dater le naufrage du bateau et de déterminer l’origine d’une partie de la cargaison.
L’épave a également également livré  de  nombreuses concrétions qui se sont révélées être, après radiographie, des outils de charpentier nécessaires aux travaux d’entretien du bord. Plusieurs meules circulaires en pierre ont également été mises au jour.

Vue d'une partie des céramiques trouvées sur l'épave (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian)

De petites boules d’argile contenant une matière de couleur noire, ressemblant à de la résine et dégageant une odeur nauséabonde ont également été découvertes. Les analyses pratiquées par le CEA de Marcoule ont montré la présence de différents composants correspondant à du bitume (éthylène, propylène, benzène, etc.). Ce bitume  ou brai devait servir pour le calfatage de la coque du navire.

Les grands vases de stockage et de transport composaient la charge principale du navire. Certaines de ces jarres de très grande capacité étaient probablement installées à poste fixe dans les cales du bateau à l’image des dolia antiques. Elles transportaient des denrées alimentaires comme de l’huile, des grains, du vin rouge et servaient également de réserve d'eau pour l'équipage. Certaines formes du mobilier céramique, comme les grandes jarres dites tinajas, sont semblables à celles issues de fouilles réalisées notamment à Pechina en Andalousie, où des ateliers ont été découverts. L’hypothèse d’une provenance dans cette zone a été confirmée par des analyses pétrographiques.

Une coupe glaçurée portant un décor rayonnant peint au cuivre et manganèse dont aucun parallèle n’a été établi a également été découverte. Une analyse récente du mobilier céramique a ramené la datation de cette épave dans une fourchette chronologique comprise entre l’extrême fin du IXe et le tout début du Xe siècle.

Le bateau et son gréement

Plongeur dégageant un fragment de la coque au moyen de la suceuse (© Archives Drassm)

La partie de la coque retrouvée a, malgré son mauvais état, maintenu sa forme originelle. Les éléments conservés sont trop réduits pour permettre d’apprécier la longueur mais les différents sondages réalisés sur le gisement ont permis d’identifier une varangue et des virures de bordé assemblées à franc bord, clouées et calfatées au bitume.
Une grande ancre en fer concrétionnée et plusieurs fragments d’ancres plus petites ont été découverts autour du gisement.

Le contexte historique et les données d'archives

Vue d'une coupe ornée d'une étoile, vernis interne jaune (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian)

Cette épave est à mettre en relation avec trois autres épaves contemporaines découvertes le long de la Côte d’Azur. Les céramiques des gisements du Bataiguier, d’Agay A et de Roche Fouras (ou « Épave des meules »), transportées par des navires probablement marchands, présentent en effet une homogénéité typologique et chronologique remarquable. Cet ensemble d’épaves illustre la présence arabo-islamique sur les côtes de Provence dont les témoignages archéologiques sont relativement rares.

Très tôt, la découverte de ces navires a été mise en relation avec l’installation de « Sarrasins » dans le massif des Maures. Le Xe siècle est, en effet, une période mal appréhendée au cours de laquelle, en Provence, de multiples tensions entre Musulmans, Latins et Byzantins se sont traduites par plusieurs expéditions militaires terrestres et maritimes. Mais, à la lumière des récents travaux scientifiques, l'hypothèse d'une dynamique commerciale au sein de la Méditerranée occidentale paraît probante.

Lieux d'exposition du mobilier

Pour le dépôt  de conservation du mobilier, s’adresser au DRASSM

Pays France
Aire marine protégée Parc national des Calanques
Département Bouches-du-Rhône
Commune Marseille
Lieu-dit Rocher de l'Estéou/Plane 3
Code EA 30-291
Nature du site Épave de navire
Chronologie Période médiévale
Indicateur de période Céramique
Structures Coque
Mobilier Amphores : amphores tardives d'époque sarrasine
Céramiques : grandes, moyennes (tinajas) et petites jarres, pichets, lampes, coupe glaçurée
Autre : outillage d'accastillage en alliage ferreux et en bois ; meules
Lieu d'exposition Musée d'Histoire de Marseille
Contexte Géologie : sable blanc coquillier, roches, posidonies
Situation : immergé
Profondeur : - 10 et 26 m
Historique des recherches Déclaration : 1975 - Serge Ximenes (prospections)
Expertise:
Opérations: 1976-1978 - Serge Ximenes (fouilles programmées) 1994 - Catherine Dovis/DRASSM (campagne sondage)
Commentaires
Rédacteur

Bibliographie essentielle

  • RICHARTÉ-MANFREDI Catherine, Dynamique commerciale et expansion islamique en Méditerranée occidentale : les épaves « sarrasines » et leurs chargements au large des côtes provençales (fin IXe – Xe siècle), Thèse de doctorat, sous la direction de Dominique Valérian (Lyon 2) et Sonia Gutiérrez Lloret (Université d’Alicante), 2022
  • RICHARTÉ-MANFREDI Catherine, Navires et marchandises islamiques en Méditerranée occidentale durant le haut Moyen Âge. Des épaves comme témoignages des échanges commerciaux entre domaines chrétiens et musulmans (IXe-Xe siècle), Mélanges de l’Ecole française de Rome - Moyen Âge, n° 129-2, 2017, Disponible en ligne
  • RICHARTÉ-MANFREDI Catherine, avec la collab. de CAPELLI Claudio et GARNIER Nicolas, Les épaves sarrazines de Provence (fin IXe-début Xe s.). Contextes clos et immergés, in : Carolina Doménech y Sonia Gutiérrez (dir.), El sitio de las cosas. La Alta Edad Media en contexto, Publicacions Universitat d’Alacant, Alicante, 2020, p. 313-330.
  • SENAC Philippe, Le califat de Cordoue et la Méditerranée occidentale au Xe siècle : le Fraxinet des Maures, in : J.-M. Martin (dir.), Castrum 7. Zones côtières littorales dans le monde méditerranéen au Moyen Âge : défense, peuplement, mise en valeur (Actes du colloque international, Rome, 23-26 octobre 1996), Rome (Collection de l'École française de Rome, 105), Madrid (Collection de la Casa de Velázquez, 76), 2001, p. 113-126.
  • XIMÉNÈS Serge, Études préliminaires de l’épave sarrasine du rocher de l’Estéou, Cahiers d’archéologie subaquatique, n° 5, 1976, p. 139-150.

Pour approfondir

  • AMOURIC Henri, RICHEZ Florence, VALLAURI Lucy, Vingt mille pots sous les mers. Le commerce de la céramique en Provence et Languedoc du Xe au XIXe s. , in : H. Amouric, L. Vallauri, F. Richez, Vingt mille pots sous les mers. Mille ans de commerce en Méditerranée. Catalogue d'exposition. Musée d'Istres (27 mai-28 novembre 1999), Edisud, Aix en Provence, 1999, p. 110-112, 118.
  • JÉZÉGOU Marie-Pierre, JONCHERAY Jean-Pierre, Les épaves sarrasines du littoral provençal, in : Catherine Richarté, Roland-Pierre Gayraud, Jean-Michel Poisson (dir.), Héritages arabo-islamiques dans l’Europe méditerranéenne du VIIIe au XVIIIe s. Histoire, Archéologie, Anthropologie. Actes du colloque international (Marseille, 11-14 septembre 2013), Éditions La Découverte, Paris, 2015, 143-157.
  • JONCHERAY Jean-Pierre, Les quatre épaves sarrasines de Provence, in : Sean Kingsley (dir.), Barbares en Méditerranée de la Rome tardive au début de l’Islam, Periplus, Londres, 2004, 102-105.
  • RICHARTÉ-MANFREDI Catherine, Céramiques glaçurées et à décor vert et brun des épaves islamiques de Provence (fin IXe-début Xe s.), Arquelogia y territorio Medieval, n° 27, 2020, 63-77., Disponible en ligne
  • RICHARTÉ-MANFREDI Catherine, Denrées et marchandises circulant à la fin de la période proto-califale au large de la Provence. Questions de conteneurs et de contenus, in : Marianne Brisville, Audrey Renaud et Núria Rovira (dir.), L’alimentation en Méditerranée occidentale aux époques antique et médiévale. Archéologie, bioarchéologie et histoire, Archéologies Méditerranéennes (BIAMA, 29) : Presses universitaires de Provence, Aix-en-Provence, 2021, p. 27-36.

Photos

Vue de L'Archéonaute et d'un ferry sortant du port de Marseille, fouille de C. Dovis (© D. Metzger/DRASSM) Vue sous-marine d'un plongeur effectuant le levage au ballon d'une ancre en fer. Fouille de C. Dovis (© D. Metzger/DRASSM) Vue sous-marine d'un plongeur avec l'ancre en fer. Fouille de C. Dovis (© D. Metzger/DRASSM) Vue de la lèvre et d'un fond de pot, céramique commune (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue de l'ensemble des céramiques de l'épave (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue d'une partie des céramiques trouvées sur l'épave (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue du filtre d'une cruche à filtre sarrasine (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue du filtre d'une cruche à filtre sarrasine (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue d'une coupe ornée d'une étoile, vernis interne jaune (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue d'une cruche à filtre sarrasine à deux anses (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue d'une cruche à filtre sarrasine (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue d'une cruche à filtre sarrasine (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Vue d'une lampe sarrasine à bec et anse (© P. Foliot, CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Camille Jullian) Boules de bitume découvertes sur l'épave (© Archives Drassm) Herminette (© Archives Drassm) Pioche (© Archives Drassm) Arrache-clou (© Archives Drassm) Serpe (?) (© Archives Drassm) Anneau de fer (© Archives Drassm) Plongeur travaillant à la lance "Galeazzi", un lance-jet puissant (© Archives Drassm) Plongeur dégageant un fragment de la coque au moyen de la suceuse (© Archives Drassm) Cruche in situ lors de sa découverte (© Archives Drassm) Varangue in situ lors de sa découverte (© Archives Drassm)