En 1979, l’épave d’un petit navire chargé d’amphores à vin italique de la fin du IIIe siècle av. J.-C. a été découverte. Elle gît à 44 m de fond, au large de la Tour d’Agnello au nord du Cap Corse. Il s’agit de l’un des très rares sites permettant de nous renseigner sur l’architecture navale et le tonnage des navires commerciaux du IIIe siècle av. J.-C.
L’épave Tour d’Agnello 1 est déclarée par Joseph et Toussaint Filippi, en 1979, au nord du Cap Corse. Elle est expertisée la même année par le DRASSM avec le support de L’Archéonaute et sous la direction de Bernard Liou. Un premier croquis du site est alors réalisé, avec une première estimation des dimensions du navire et le prélèvement d’une dizaine d’amphores.
De 2005 à 2007, des campagnes de prospection sont organisées par un groupe d’archéologues amateurs de la FFESSM et le site est retrouvé. L’épave se révèle alors largement perturbée par un pillage continu qu’elle a subi pendant plus de 20 ans.
Dans le cadre de la mission de la carte archéologique de la Corse, le DRASSM retourne sur le site entre 2013 et 2014, pour de nouvelles campagnes de sondages, mais aussi pour des prospections géophysiques qui sont menées en collaboration avec l’Université de Patras. L'objectif est alors de vérifier l’état de conservation de la coque et l’importance de la couche archéologique encore en place.
En 2013, le DRASSM se rend sur l’épave pour en déterminer l’état de conservation et le potentiel archéologique. Deux sondages rapprochés, d’environ 1,5 x 1,5 m chacun, sont réalisés. La première partie des sondages a été effectuée avec l’aide d’un blaster muni d’une caméra gopro : plusieurs courtes phases de fouille, entre 30 secondes et 1 minute, suivies grâce à la caméra, ont été ainsi effectuées. Cette technique a permis de contrôler la puissance du blaster et de l’utiliser pour dégager les couches superficielles remuées par les clandestins, en réduisant les temps de plongée humaine. Le nettoyage final de la coque a, par la suite, été effectué par des archéologues plongeurs à l’aide de deux aspirateurs à sédiments. Les sondages ont permis de réaliser une étude de l’architecture navale de l’épave, associée à une rapide documentation photographique du gisement, et de remonter les pièces les plus remarquables.
En 2014, une mission d’étude géophysique du site a été réalisée en collaboration avec l’université de Patras. Trois couvertures ont été réalisées : au sonar à balayage latéral, au magnétomètre et au pénétrateur de sédiments. Ces deux derniers ont été réalisés avec une technique expérimentale. L’objectif principal de la couverture sonar était de couvrir des sites déjà connus pour documenter l’état actuel de ceux-ci et avoir à disposition des images sonar de référence permettant de faciliter la reconnaissance et l’identification d’épaves antiques similaires. Le doublage d’une couverture avec pénétrateur de sédiments et avec un magnétomètre déplacé sur le fond par des plongeurs a permis une plus grande précision. Il a été mis en évidence que la couche de sédiment qui recouvre la roche d’origine (schiste) est assez faible. L’épave, le reste de sa cargaison et la hauteur de sédiments ne dépassent pas 1 m d’épaisseur. À l’exclusion de la coque, il y avait alors peu d’espoir de retrouver en place des parties importantes de la cargaison.
Lors de la mission d’expertise du site en 1979, au moins une couche d’amphores gréco-italiques a été mise au jour. Il s’agit là d’un chargement très homogène dont la cargaison a été évaluée à environ 300 amphores. Elles transportaient vraisemblablement du vin de l’Italie méridionale et sont datées vers la fin du IIIe siècle av. J.-C. (210-200 avant J.-C.).
En complément à ce chargement, seules une assiette à vernis noir en céramique campanienne A de forme Lamboglia 36 et une moitié de meule en basalte ont été découvertes et prélevées sur le site. Les sondages effectués en 2013 ont confirmé ces données.
En 1979, 14 amphores furent prélevées sur au moins une centaine de récipients apparents. En 2013, une amphore gréco-italique entière bien que pas intacte, et deux autres moitiés inférieures, toutes appartenant au type Gr.-Ita. VIa ont été remontées, confirmant l’expertise de 1979.
Les analyses pétrographiques de lames minces effectuées par Claudio Capelli (Université de Gênes) ont confirmé l’origine italique de ces amphores qui proviennent de la côte tyrrhénienne d’Italie, entre le Latium et la Campanie actuelle.
En 1966, Wlady Bebko déclare une coupe à bord rentrant avec une estampille en feuille de lierre et un guttus à vernis noir de forme Lamboglia 45/Morel 8151, connu aussi sur l’épave du Grand Congloué 1. Ces deux objets auraient été remontés dans les filets d’un pêcheur, à proximité du gisement de Tour d’Agnello 1. Il est probable que les deux pièces, datables entre la fin du IIIe et le début du IIe, proviennent de cette même épave.
Une partie de la coque, notamment des membrures orientées est-ouest sur lesquelles restaient fixés des fragments de vaigres, ont été aperçues en 1979.
Les sondages effectués en 2013 ont montré que la coque de l’épave est encore bien préservée sous une couche de sable, coquillages et débris d’amphores. Il s’agit d’une des rares coques de navire de commerce du IIIe siècle bien conservée.
L’étude d’architecture navale, réalisée en 2013, a révélé un plan particulier de la charpente transversale qui se traduit par une maille importante entre les couples, sans aucun autre renfort sur le bordé.
Malgré l’aspect très préliminaire des données acquises, certaines des caractéristiques observées sont comparables à celles connues pour les épaves de Kyrenia, en Grèce (IVe s. av. J.-C.), Marsala en Sicile (IIIe s. av. J.-C.) ou encore de la baie de Briande dans le Var (IIe s. av. J.-C.). C’est le cas notamment de la technique d’assemblage de la charpente transversale au bordé à l’aide de clous à pointes rabattues qui passent à travers des gournables.
L’étude architecturale a été réalisée en 2013 par Carlos de Juan (Université de Valencia). Les membrures, hautes de 7,5 à 8 cm, présentent une section quadrangulaire et des dimensions très homogènes. L’assemblage de cette charpente transversale au bordé s’effectue par le biais de gournables de 1,6 cm de diamètre traversées par des clous de fer à pointe rabattue sur le dos de la membrure. Pour les épaves de la période hellénistique ces clous pointent généralement vers la quille qui semblerait donc se trouver ici vers l’ouest du gisement.
D’après les observations effectuées sur le couple M51, les clous seraient insérés selon un rythme d’un clou par virure. L’épaisseur du bordé est de 6 cm, dimension peu fréquente et relativement importante.
En 2005, à proximité du site ont été découvertes trois ancres métalliques : une grande ancre à jas mobile, une plus petite et une à grappins. Il n’a pas pu être déterminé avec certitude s’il s’agissait des ancres du navire.
Enfin, d’après les analyses réalisées par Fréderic Guibal (Imbe-CNRS), faites à partir de prélèvements réalisés en 2005, les essences de bois utilisées sont le frêne pour les membrures, le chêne à feuillage caduc et l’orme pour le vaigrage et enfin le sapin pour les gournables.
Musée de Bastia (“dépôt Drassm Haute Corse”) - Citadelle de Bastia, Place du Donjon - 20200 Bastia
Tél. : 04 95 31 09 12
Musée de la Mer - Fort Royal, Île Sainte-Marguerite - 06400 Cannes
Tél. : 04 93 38 55 26 (Direction des musées de Cannes)
Pour le dépôt de conservation du mobilier, s’adresser au DRASSM.
Les campagnes de la carte archéologique du DRASSM en 2014 ont été l’occasion de tester de nouvelles méthodes de prospection et de sondage (ouverture de la première partie des sondages par blaster avant la finition avec des aspirateurs à sédiments) permettant de limiter les plongées sur site.
À la fin des sondages de 2014, les vestiges ont été protégés avec du géotextile puis recouverts avec du sable à l’aide de big-bags industriels, positionnés directement par l’André Malraux et ouverts sur le fond par les plongeurs. Ce système élaboré sur place s’est avéré efficace et rapide.
Le site se trouve non loin d’une autre épave antique : Tour Sainte Marie 1.
Le nom du gisement provient de la tour d’Agnellu, située à proximité. Cette tour littorale a été édifiée au XVIe siècle à l’extrémité de la pointe du même nom.
Pays | France |
Aire marine protégée | Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l'Agriate |
Département | Haute-Corse |
Commune | Rogliano |
Lieu-dit | Au large de la pointe de la Rascasse |
Code EA | 30-544 |
Nature du site | Épave de navire |
Chronologie | Antiquité |
Indicateur de période | Cargaison, céramiques |
Structures | Coque (membrures, vaigrage) |
Mobilier |
Amphores : Amphores gréco-italiques
Céramiques : Céramique campanienne A Autre : Meule |
Lieu d'exposition | Dépôt archéologique des Milles, Aix-en-Provence ; Musée de Bastia, dépôt de Bastia |
Contexte |
Géologie : Vase, sable, fond rocheux (schiste)
Situation : immergé Profondeur : - 44 m |
Historique des recherches |
Déclaration : 1979 - Joseph et Toussaint Filippi (découverte fortuite)
Expertise: 1979 - Luc Long (DRASSM) Opérations: 2005-2007 - Gilles de La Brière et Alain Meysen (prospections) 2013-2014 - Franca Cibecchini (sondages et prospections géophysiques) |
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