L’épave du Bonaparte, premier vapeur propulsé par hélice construit en Méditerranée, gît à plus de 400 m de profondeur à quelques milles au sud de l’île de Capraia. Il a fait naufrage le 14 octobre 1847, suite à une collision avec le Comte de Paris appartenant à la même compagnie. L’épave a été explorée à l’aide de robots sous-marins (ROV).
En 2013, l’ingénieur italien Guido Gay signale au Drassm une épave à plus de 400 m de profondeur. La visibilité est mauvaise mais l’épave pourrait, selon lui, correspondre à celle d’un sous-marin anglais très recherché, le Saracen.
Les deux expertises dirigées par le Drassm en 2013 et 2014, la découverte d’une lanterne sur le gisement et les recherches en archives menées par Franca Cibecchini ont permis de démontrer qu’il s’agit en réalité de l’épave du vapeur le Bonaparte. L’expertise de 2014 a été conduite avec le soutien du célèbre Octopus de Paul Allen.
Guido Gay, découvre, à plus de 400 m de profondeur, une épave. Il l’identifie, dans un premier temps, comme le sous-marin anglais qu’il recherche, le HMS Saracen. D’après les premières images obtenues, il s'agirait d'un navire d’environ 60 m de longueur, avec une coque assez fuselée et étroite qui aurait pu correspondre à celle d’un sous-marin. Toutefois, les images ne sont alors pas assez claires et elles ne permettent pas d’identifier le site avec certitude.
Le Drassm organise rapidement une première expertise sur la mystérieuse épave, sous la direction de Franca Cibecchini et Michel L’Hour, en décembre 2013. Malgré la très mauvaise visibilité, grâce au ROV Perseo (Copetech) une série d’objets de la dotation de bord du navire refait surface : une cuvette de toilette en porcelaine, un fragment de grand plat en porcelaine et une lanterne de marine en laiton et verre avec la marque « Atin Santi, opticien Marseille » bien lisible. Des recherches en archives révèlent qu’il s’agit d’une maison d’opticiens active à Marseille dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cet élément chronologique permet de confirmer que l’épave est bien plus ancienne que le HMS Saracen.
À côté de l’épave, on remarque un objet très curieux apparemment en bronze, une sorte de bombonne métallique connectée à des tuyaux, eux aussi en bronze.
En 2014, une seconde mission est organisée par le Drassm, en collaboration avec Paul Allen et son navire l’Octopus. Les images acoustiques produites par l’AUV de l’Octopus et celles acquises avec un ROV de haute définition montrent que l’épave ne présente pas un profil de sous-marin et que certains éléments sont en bois, dont un grand mât. La calibration des images acquises durant la mission permet d’ailleurs de préciser la longueur réelle de l’épave, 37 m.
Ainsi les images de l’épave ont permis de réviser l’identification initiale et proposer celle d’un bateau à propulsion mixte, vapeur et voiles, de la moitié ou seconde moitié du XIXe siècle, potentiellement l’un des bateaux qui assuraient alors la liaison entre la Provence et Bastia ou Livourne. Le travail de recherches aux Archives de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Marseille (CCIM) mené par Franca Cibecchini (Drassm) avec l’aide de Jean Luc Ramonimo (CCIM) a permis d’établir qu’il s’agissait de l’épave du Bonaparte.
La lanterne de marin et/ou lampe fanal, découverte sur le site porte une plaque avec le nom de l’opticien, toujours en place et bien lisible : « A.TIN SANTI, OPTICIEN MARSEILLE ». Cette inscription a été un des premiers indices sur la piste de l’identification de l’épave : « Augustin Santi, opticien à Marseille », du XIXe siècle.
Les missions d’expertise menées par le Drassm ont par ailleurs permis de remonter quelques éléments de dotation de bord du Bonaparte soit une cuvette de toilette, un bol, un grand plat ovale en porcelaine et une bouteille en verre. Il s’agit sans doute de la vaisselle utilisée à bord du petit paquebot.
La lanterne de marin et/ou fanal, en alliage cuivreux (laiton), dispose encore de sa poignée et de deux verres encore en place : un verre blanc lenticulaire et un verre rouge plat. D’une hauteur de 47 cm et d’environ 25 cm de diamètre, une plaque avec le nom de l’opticien est toujours en place et bien lisible : « A.TIN SANTI, OPTICIEN MARSEILLE ». Il s’agit du premier indice ayant permis l’identification de l’épave. En effet, la maison Santi et Cie, fondée en 1830, est implantée au 6 de la rue Saint Ferréol à Marseille comme l’indique un encart publicitaire retrouvé sur le journal du Sémaphore de Marseille d’octobre 1847.
Récupérée par ROV sur le site, elle témoigne de l’usage à bord, de placer la nuit des feux de navigation permettant de localiser et également marquer la direction de la proue. Au moment de sa redécouverte par le Drassm, la lanterne était posée en surface du site. Cet indice nous amène à penser qu’au moment du naufrage, elle était probablement sur le pont. Et par conséquent, il semblerait que le naufrage aurait eu lieu durant la nuit.
Suite à la remontée de la lanterne, les gestes de conservation préventive ont été assurés, mais un travail de restauration semblait nécessaire. Il manque, par exemple, les trois quarts du métal. Ces lacunes affaiblissent la structure générale de l’objet dont le fond est manquant. Après sa sortie de l’eau, la lanterne présentait aussi des altérations physiques (cassures des éléments en verre, fissures du métal), chimiques (métal concrétionné sur la majorité de sa surface, carbonates, oxydes et hydroxydes de cuivre) et biologiques (fin film de micro-organismes). Les interventions de restauration réalisées par la restauratrice Frédérique Nicot (Moïra Conservation) ont permis la stabilisation généralisée de la corrosion, l’élimination des concrétions et des produits de corrosion ainsi qu’un travail de consolidation.
Le Bonaparte est un paquebot à propulsion mixte, à voile et vapeur. Premier vapeur avec propulsion à hélice de Méditerranée, il a été construit par les chantiers Benet de La Ciotat en 1847, sur commande de la Compagnie Valery et Frères de Bastia. Ce navire, doté d’une coque longue de 45 mètres, possède une capacité de 175 tonneaux et une puissance de 100 chevaux. Il est armé à La Ciotat le 15 mai 1847, prêt à assurer la Ligne Marseille – Bastia – Livourne.
Les images prises avec le ROV ont permis de noter la présence d’éléments en bois à l’intérieur de la coque, à l’avant de l’épave, avec un grand mât. La structure centrale, d’abord interprétée comme un kiosque de sous-marin, correspond en réalité à la partie interne d’une chaudière double : les deux dômes de vapeur embrassent un orifice rond.
En avant de cet orifice, un tube en bronze terminé par une collerette, permettait l’évacuation de la vapeur, prolongé par d’autres segments et terminé par une structure en forme de capsule. Le mystérieux objet en bronze observé en 2013 et 2014 sur la vase à côté de la coque ne serait donc que le sifflet du vapeur, un élément qui se trouve souvent dressé à côté de la cheminée centrale. Ces éléments apparaissent sur le sédiment, à côté de l’épave.
Encadrant la chaudière, des structures rectangulaires, sortes de caissons métalliques, se prolongent vers l’arrière. Ce sont sans doute des soutes à charbon.
Les vestiges de filet de pêche sur la chaudière confirment que l’épave a subi le passage d’un chalut qui aurait arraché la cheminée.
Le Bonaparte part de Bastia le 14 octobre 1847 à 22h sous le commandement du capitaine Jean Vincent Bugliani, avec 18 hommes d’équipage et 26 passagers, destination Livourne. Il bénéficie d’une mer calme et d’une petite brise sud-sud-est.
Vers minuit, le second capitaine, alors de quart, aperçoit le feu de position d’un navire venant en sens inverse. Il s’agit du Comte de Paris, bateau à vapeur de la même compagnie allant de Livourne à Bastia et transportant 161 passagers. Suite à des manœuvres mal coordonnées, l’abordage ne peut être évité. Une importante voie d’eau s’ouvre dans la coque du Bonaparte dont 25 passagers sur 26 et 16 membres d’équipage sur 18 seront sauvés et pris en charge sur le Comte de Paris.
La Compagnie Valery est, dans la seconde moitié du XIXe siècle, un élément essentiel du développement économique de la Corse, et en particulier du Cap Corse. À ses débuts, en 1835, la compagnie possède 4 voiliers, en 1861 elle compte une flotte de 3 voiliers et 14 vapeurs. En 1879, 27 vapeurs sont armés par la Compagnie, en Méditerranée, sur la mer Noire, l’océan Indien, le long des côtes d’Afrique et jusqu’en Nouvelle-Calédonie. Elle est alors le deuxième armement français. Dans le cadre de son activité, la compagnie assure de nombreuses liaisons : passagers, marchandises, transport de matières premières pour les industriels, liaisons postales, transports de saisonniers, etc. Ainsi, en son temps, la Compagnie Valery Frères puis Valery Frères et Fils aura été un pilier du fret maritime, en particulier en Méditerranée.
La perte du Bonaparte, fleuron de la compagnie Valery et Frères fut un véritable drame pour la Compagnie. Le vapeur n’avait été armé que cinq mois auparavant et la Compagnie ne l’avait pas encore assuré.
La narration de son naufrage a ainsi été largement rapportée par la presse. On y découvre notamment un article exalté relatant le courage héroïque d’un passager corse qui, dans la confusion, est venu en aide à quatre femmes anglaises, une mère et ses trois filles et les a menées en sécurité, à bord du Comte de Paris. Il tentera aussi de sauver un homme endormi dans sa couchette, mais sans succès.
Musée national de la Marine - Palais de Chaillot, 17 place du Trocadéro - 75116 Paris
Du 15 septembre 1835 au 12 février 1854, sous la raison sociale Joseph et Frères Valery, puis du 13 février 1854 au 31 décembre 1882 en tant que Valery Frères et Fils, la compagnie Valery dénombre 11 naufrages parmi les 53 navires de son armement (3 voiliers et 8 vapeurs).
Parmi les passagers du Comte de Paris se trouvait alors Joseph Valery, co-fondateur et co-gérant de la compagnie, il fera un rapport circonstancié du drame le 18 octobre 1847 devant les actionnaires de la Compagnie.
Après le décès soudain de Joseph Valery fils, sa dépouille est ramenée à Bastia à bord du vapeur Insulaire de la compagnie. La ville est en deuil, les boutiques sont fermées, les drapeaux sont en berne sur les édifices publics et aux mâts des navires.
En 2015, l’épave du sous-marin anglais HMS Saracen a finalement été découverte par Guido Gay à 430 m de fond, au large du Cap Corse, un peu plus au sud, vers Miomo, dans les eaux territoriales italiennes.
Pays | France |
Aire marine protégée | Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l'Agriate |
Département | Haute-Corse |
Commune | Rogliano |
Lieu-dit | Entre le cap Corse et l’île Capraia |
Code EA | 30-3099 |
Nature du site | Épave de navire |
Chronologie | Période contemporaine |
Indicateur de période | Archives, mobilier |
Structures | Coque, mobilier divers |
Mobilier |
Amphores :
Céramiques : Cuvette de toilette, bol, grand plat en porcelaine Autre : Bouteille en verre, lanterne |
Lieu d'exposition | Musée national de la Marine, Paris |
Contexte |
Géologie : vase
Situation : immergé Profondeur : - 400 m |
Historique des recherches |
Déclaration : 2013 - Guido Gay
Expertise: 2013 - 2014 - DRASSM Opérations: 2013 - 2014 -DRASSM, Octopus de Paul Allen (prospections) sous la direction de Michel L’Hour et Franca Cibecchini |
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Rédacteur | Allison Faynot |