Capo Sagro 2

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En bref...

Orthophotographie de l’épave Capo Sagro 2 en 2015 (élaboration M. Seguin © M. Seguin/INRAP)

L’épave Capo Sagro 2 a été découverte en 2014 au large du cap du même nom, à environ 500 mètres de profondeur. Cette épave romaine, datée de la période augustéenne (20-10 avant J.-C.), transportait la plus grande cargaison connue de lingots d’étain, associés à des amphores vinaires. Cette épave quasiment intacte est un bel exemple des nombreuses informations que peuvent nous fournir les sites à grande profondeur.

Histoire du site

Amphores Oberaden 74 et ancre, campagne de 2014 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM)

L’épave fut découverte en juin 2014, dans le cadre d’une courte campagne de prospections par grands fonds, menée par le DRASSM en collaboration avec l’équipe de l'Octopus de Paul Allen. En raison de sa grande profondeur, elle n’a pas fait l’objet d’une fouille à proprement parler. Cependant des prospections robotisées (AUV et ROV) ont permis de délimiter le gisement et de prélever des échantillons de mobilier archéologique permettant de mieux interpréter le site.
En 2015, une couverture photogrammétrique complète du site est réalisée par le DRASSM avec un ROV. L’ortho-image a permis de mesurer le gisement et d’appréhender un grand nombre d’objets, avec une marge d’erreur très réduite et ainsi identifier la plupart des objets visibles en surface. À partir de ces données, les archéologues ont pu proposer des hypothèses d’interprétation quant à la taille et au tonnage du navire, sa cargaison, voire sa destination et son origine.

Photographie prise lors des prospections robotisées de 2014 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM)

En 2014, les prospections ont été réalisées avec le robot sous-marin autonome AUV Bluefin Robotics. Lors des transects réalisés par l’AUV, une petite anomalie a attiré l’attention des archéologues qui ont alors procédé à sa vérification avec un ROV Work Class (- 3 000 mètres) armé de deux bras. Cette anomalie s’est révélée être l'épave d’un navire antique, un tumulus compact formé par des objets difficilement identifiables au premier regard et qui se sont révélés être des lingots en étain, associés à quelques amphores éparses.
Cette opération de prospection a permis de se faire une première idée sur les dimensions du gisement mais également sur la cargaison en prélevant des échantillons ciblés du mobilier archéologique : un mortier, une cruche, une grande assiette et une partie de lingot d’étain.
En mai 2015, le DRASSM sous la direction de Franca Cibecchini lance une courte opération de documentation des épaves à grande profondeur au large de la côte orientale de la Corse. L’objectif est d’effectuer une couverture photogrammétrique sur une série d’épaves antiques, sélectionnées pour leur intérêt scientifique et leur état de conservation. L’épave Capo Sagro 2 a été l’une des trois premières épaves sélectionnées. La restitution a été assurée par Maxime Seguin à la suite d’un contrat avec l’Inrap.

Cargaison, mobilier et vie à bord

Olpe à une anse in situ entre les amphores Oberaden 74 au centre du gisement, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM)

La remontée choisie de certains objets et la bonne couverture photogrammétrique ont permis un premier regard sur la cargaison. Elle était composée essentiellement de lingots d’étain de forme allongée. L’orthophotographie a permis de dénombrer un peu plus de 80 lingots dans les couches visibles du tumulus. Une trentaine d’amphores, essentiellement destinées au transport du vin d’origine tarraconaise, et une dizaine de pièces de vaisselle en céramique, visibles en surface, accompagnaient sûrement ce chargement.
L’association des différents types d’amphores ainsi que la présence d’un mortier et d’un plat en sigillée permettent de proposer une datation comprise entre 20 et 10 av. J.-C.

Fragment du lingot récupéré en 2014 (Cliché F. Cibecchini © F. Cibecchini/DRASSM)

Les amphores Oberaden 74 sont les plus fréquentes de ce gisement avec 22 exemplaires recensés, dont 16 entiers. Capo Sagro 2 représente la plus importante cargaison connue pour ces amphores qui sont assez rares hors de l'actuelle Catalogne et de la région de Narbonne. Quatre amphores Tarraconaise 1 sont situées le long du côté est et à l’arrière du navire. Ces deux types sont produits en Tarraconaise, la Catalogne actuelle. Quatre exemplaires d’amphores Lamboglia 2/Dressel 6A, deux à l’avant et deux au centre de l’épave, probablement produites en Adriatique, ont également été identifiés. Tous ces types d’amphores transportaient probablement du vin.

L’épave Capo Sagro 2 illustre l’existence d’un trafic maritime régulier de l’étain, au même titre que le plomb et le cuivre. Une dizaine d’épaves chargées d’étain sont aujourd’hui connues. Les plus importants gisements d’étain en Occident sont présents sur toute la façade atlantique de l’Europe, et notamment en Gaule (Bretagne actuelle) et dans le sud de la Grande-Bretagne, en Cornouailles. L’emplacement précis des gisements exploités durant l’Antiquité n’est cependant pas connu à ce jour. À l’inverse du plomb, du cuivre mais aussi du fer, on ne dispose en effet d’aucune méthode qui permette de cibler l’origine du métal.

Le bateau et son gréement

Vue du modèle 3D d’étude de restitution de la cargaison (élaboration P. Poveda © P. Poveda/CNRS-CCJ)

La grande profondeur de l’épave n’a pas permis d’effectuer un sondage, il n’y a donc pas eu d’étude d’architecture navale à proprement parler. Grâce à la photogrammétrie, il est néanmoins possible de distinguer des marqueurs significatifs de la morphologie générale du navire et d’évaluer ses dimensions, environ 20,50 m de long et 7 m de large.

À l’extrémité sud-est de l'épave, la présence de quatre jas d’ancre paraît signaler une de ses limites. À l’opposé, au nord-ouest du tumulus, les vestiges de la cargaison marquent très nettement la fin du gisement. Sur les bords du tumulus, formé par les lingots d’étain, se dégagent l’affleurement ponctuel du bordé et des têtes de membrures.
Dans la partie nord-ouest du chargement, la présence de canalisations en plomb semble marquer la position de la pompe de cale. L’étrave du navire peut vraisemblablement être restituée à l’extrémité sud-est du gisement à l’endroit où reposent les quatre jas d’ancre en plomb.
Grâce à ces éléments, on peut envisager de restituer les dimensions du navire à 20,50 m environ pour une largeur de 7 m.

Lieux d'exposition du mobilier

In situ

Pour le dépôt de conservation du mobilier, s’adresser au DRASSM.

Quelques curiosités

Si l’on en croit Pline l’Ancien (HN, XXXIV, 161), l’étain se négociait au prix de 80 deniers la livre. La cargaison d’étain de l'épave Capo Sagro 2 représenterait une valeur d’environ 9 600 000 deniers.

Pays France
Aire marine protégée Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l'Agriate
Département Haute-Corse
Commune
Lieu-dit Au large du cap Sagro
Code EA 30-3784
Nature du site Épave de navire
Chronologie Antiquité
Indicateur de période Mobilier
Structures Coque
Mobilier Amphores : Amphores Oberaden 74, Tarraconaise 1, Lamboglia 2, Dressel 6A
Céramiques : Céramique commune
Autre : Lingots d’étain, jas d’ancre en plomb, tuyau de pompe de cale
Lieu d'exposition Dépôt archéologique des Milles, Aix-en-Provence ; DRASSM, Marseille
Contexte Géologie : sable
Situation : immergé
Profondeur : - 500 m
Historique des recherches Déclaration : 2014 - Drassm et navire Octopus de Paul Allen
Expertise:
Opérations: 2014-2015 - Franca Cibecchini (prospections)
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Rédacteur

Bibliographie essentielle

  • CIBECCHINI Franca, RICO Christian et POVEDA Pierre, Capo Sagro 2 : une épave romaine à chargement de lingots d’étain à 500 mètres de profondeur, Archaeonautica, n° 20, 2018, p. 67-87, Disponible en ligne

Photos

Orthophotographie de l’épave Capo Sagro 2 en 2015 (élaboration M. Seguin © M. Seguin/INRAP) Centre du tumulus composé de lingots d'étain, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM)
  Amphores Oberaden 74 in situ, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM)
  Lingots d'étain in situ, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM)
  Amphore Tarraconaise 1, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Amphores Tarraconaise 1, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Amphores Tarraconaise 1, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Pots à deux anses, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Olpe à une anse in situ entre les amphores Oberaden 74 au centre du gisement, campagne de 2015 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Amphores Oberaden 74 à la limite de la coque, campagne de 2014 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Amphores Oberaden 74 et ancre, campagne de 2014 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Lingots d'étain et amphores in situ, campagne de 2014 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Vue sur le tumulus composé de lingots d'étain avec la présence d'une olla, vue sous-marine de 2014 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Pelvis et amphores in situ, campagne de 2014   (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Photographie prise lors des prospections robotisées de 2014 (Cliché de la vidéo du ROV © DRASSM) Évaluation sur l’orthophotographie des dimensions d’origine du navire et localisation des éléments architecturaux et céramiques significatifs (élaboration P. Poveda © P. Poveda/CNRS-CCJ) Vue du modèle 3D d’étude de restitution de la cargaison (élaboration P. Poveda © P. Poveda/CNRS-CCJ) Cruche avec filtre et bec verseur (Cliché T. Seguin © T. Seguin/DRASSM) Mortier type Dramont D 1 (Cliché S. Cavillon © S. Cavillon/DRASSM)
  Grande coupe en céramique commune (Cliché S. Cavillon © S. Cavillon/DRASSM) Amphore Oberaden 74 (Cliché S. Cavillon © S. Cavillon/DRASSM) Fragment du lingot récupéré en 2014 (Cliché F. Cibecchini © F. Cibecchini/DRASSM)

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