L’épave Giraglia 1 gît à 20 m de profondeur entre Tollare et l’île de la Giraglia, au nord du Cap Corse. Il s’agit d’une épave de navire à dolia dédiée au transport du vin en vrac, un pinardier d’époque romaine. Les fouilles menées entre 1993 et 1999 ont permis de dresser un plan du site et de dater l’épave autour des années 15-20 ap. J.-C.
En 1992, trois plongeurs corses, Louis Ambroggi, Franck Allegrini-Simonetti et Michel Oliva découvrent le gisement archéologique de Giraglia 1. L’épave est expertisée un an plus tard par le DRASSM. En 1994, une campagne de sondage de dix jours a permis de reconnaître les limites du site, qui s’étend sur environ 200 m², et d’identifier une partie du mobilier archéologique. L’essentiel des découvertes ont lieu lors des fouilles organisées entre 1997 et 1999. À cette occasion, quelques vestiges de la coque en bois du navire ont été découverts.
Lors des fouilles réalisées sous la direction de Martine Sciallano (Musée Archéologique d’Istres), un cadre métallique de 4 x 4 m a servi de support pour l’appareil photo et de repère pour la zone fouillée. Déplacé deux fois, la surface fouillée a représenté 4 x 12 m, surface augmentée par un sondage autour du dolium 1. Les dolia, identifiés lors de la campagne de 1994 et dénommés D1 à D9, ont dans un premier temps concentré l’attention des archéologues. Toujours situés au centre du navire en raison de leur poids, ils ont protégé, grâce à leur énorme masse, une partie de la coque. Malgré la faiblesse des vestiges conservés, ceux-ci ont fait l’objet d’une documentation et d’une étude approfondie par Sabrina Marlier (CCJ/CNRS).
L'épave Giraglia 1 transportait essentiellement des dolia, énormes jarres en céramique dédiées au transport du vin en vrac. Une dizaine de dolia et quatre doliola (petits dolia) ont été dénombrés par les fouilleurs à partir des fragments de lèvres, aucun dolium n’ayant été découvert entier.
Plusieurs amphores complètent la cargaison. Il s’agit essentiellement d’amphores à vin provenant de Tarraconaise, la Catalogne actuelle. Il est donc probable que le navire venait de cette région d’Espagne, connue pour sa production vinicole abondante mais de qualité médiocre. D’autres types d’amphores minoritaires ont également été découverts, ils sont probablement attribuables à la dotation de bord.
Un petit lot de vaisselle a été identifié dont un fond de sigillée arétine avec un timbre THALI. Plusieurs petits fragments de deux coupelles et de deux assiettes en verre ont également été découverts.
La cargaison de l’épave Giraglia 1 est dans l’ensemble très mal conservée en raison de la violence du naufrage : les amphores en particulier sont toutes brisées. Le site a en outre subi un fort pillage qui a ciblé surtout les amphores et les céramiques. L’étude de ce mobilier permet néanmoins de dater le naufrage du navire autour de 15-20 après J.-C.
Les campagnes d’étude de l’épave ont permis de mettre à jour environ 55 individus d’amphores de type Dressel 2-4 de Tarraconaise. Grâce aux estampilles découvertes sur ce type d’amphore il est possible de déterminer les ateliers de production. Elles sont originaires des ateliers de Can Pedrerol (timbres CELS et SYN) et de Can Tintorer (timbres CIAS, HIL, LEAN, TH), situés à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Barcelone, le long du fleuve Llobregat.
Les autres amphores identifiées restent très minoritaires : quelques rares Dressel 2-4 d’origine italique, quatre amphores à salaison et à huile de Bétique et enfin deux bords d’amphores Gauloise 2 ou 3.
Un seul dolium a restitué un timbre in planta pedis très lacunaire. Le développement proposé pour cette estampille, […] ptes/Pira(ni) Cer(donis) s(ervus) f(ecit), évoque la famille des Pirani de Minturnes, dont le nom a déjà été retrouvé sur plusieurs autres épaves chargées de dolia venant d’Espagne (Ouest-Giraglia 2 et Ile Rousse en Corse, le Petit Congloué à Marseille Diano Marina, en Ligurie) ou d’Italie (La Garoupe et le Grand Ribaud D en Provence et Ladispoli au nord de Rome). Les analyses pétrographiques des argiles des dolia et les noms des fabricants attestés par les timbres ont permis de démontrer que ces énormes jarres, utilisées comme conteneur à vin dans les navires, étaient toutes fabriquées dans la région de Minturnes.
Le navire étant mal conservé, peu d'éléments permettent d’estimer ses dimensions et ses méthodes de construction. La présence des tuyaux de la pompe de cale fournit néanmoins un indice sur la largeur de celui-ci ainsi qu’une longueur approximative, calculés à environ une vingtaine de mètres de long par six mètres de large.
Aucune trace de l’axe longitudinal du navire (quille, étrave, étambot) n’a été conservée. Les 26 membrures identifiées lors des différentes campagnes de fouilles ont néanmoins fourni des indices concernant l'axe du bateau, orienté NNE-SSO. Malgré la faiblesse des vestiges conservés, l’étude des restes de la coque de cette épave alimente le corpus des épaves à dolia interprétés comme de petits navires fluviomaritimes, en capacité de naviguer aussi bien en mer que sur les fleuves.
Un peu à l'écart du site, à 14 m environ à l'ouest, le jas en plomb d'une ancre d’une envergure de 1,65 m a été découvert.
De la coque, il ne restait qu’une bande étroite proche de l’axe longitudinal longue de 7 m et large d’un peu plus de 2 m. Les vestiges, très fragmentaires, correspondaient à une vingtaine de membrures et à des éléments de bordé, de serres et de vaigres. Aucune trace de la quille ou de la charpente axiale n’a été conservée. L’étude des pièces prélevées a néanmoins permis d’appréhender les techniques de construction du navire. Celui-ci présente un bordé simple constitué de bordages assemblés à franc-bord au moyen de languettes chevillées dans des mortaises. La membrure présente une maille relativement serrée, de l’ordre de 13 à 22 cm d’écart entre les pièces. Les pièces de membrure sont assemblées au bordé au moyen de gournables et de clous enfoncés depuis l'extérieur de la coque.
Les analyses xylologiques révèlent l’utilisation de six essences différentes : le chêne caducifolié pour les virures, la plupart des membrures, les serres et les vaigres ; l’orme pour quelques membrures ; du chêne vert pour les languettes et chevilles du bordé et enfin du hêtre et du frêne pour les gournables. Il s’agit essentiellement d’espèces de basse altitude que l'on trouve sur le littoral méditerranéen ou à proximité. Cela signifie que le navire de la Giraglia pourrait avoir été construit dans la région de Minturnes (Latium) où sont fabriqués les dolia embarqués à poste fixe dans ce type de navire et où un chantier de construction navale de l'époque romaine est par ailleurs connu.
Les tuyaux de la pompe de cale ont quant à eux permis de localiser l'arrière du bateau.
Musée de Bastia - Citadelle de Bastia, Place du Donjon - 20200 Bastia
Tél. : 04 95 31 09 12
Pour le dépôt de conservation du mobilier, s’adresser au DRASSM.
Les estampilles découvertes sur les amphores Dressel 2-4 de l’épave Giraglia 1 présentent de nombreuses similitudes avec celles trouvées sur l’épave Chrétienne H de Saint-Raphaël. Elles sont parfois imprimées avec le même poinçon. Il est possible d’en déduire que ces deux épaves sont contemporaines, peut-être à quelques mois près !
Le site s’étend sur 200 m2 environ, mais l’essentiel des vestiges est concentré sur 100 m2. L’extrême fragmentation des amphores, l’orientation hétérogène des dolia, l’éparpillement des vestiges et le feuilletage de fragments sont le signe d’un violent naufrage et remue-ménage avant, pendant et après le naufrage. L’ancre retrouvée un peu à l’ouest de l’épave, a été sans doute jetée en catastrophe pour ralentir le navire qui a dû sombrer le nez en avant. Ces événements permettent d’expliquer la disparition de la quille, de l’étrave et de l’étambot et de tout le tiers-arrière, ainsi que l’accumulation des dolia et des fragments d’amphores essentiellement dans la zone est du site où ils ont roulé.
L’équipe de fouilles avait la particularité d’être composée essentiellement de femmes ce qui valut aux archéologues et aux plongeuses le surnom de « sirènes » de la Giraglia.
Pays | France |
Aire marine protégée | Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l'Agriate |
Département | Haute-Corse |
Commune | Ersa |
Lieu-dit | Tollare/Barcaggio |
Code EA | 30-3265 |
Nature du site | Épave de navire |
Chronologie | Antiquité |
Indicateur de période | Timbres sur les amphores et céramique sigillée arétine |
Structures | Coque |
Mobilier |
Amphores : Amphores Dressel 2-4 de Tarraconaise, Dressel 2-4 italiques, amphores à huile et à salaison de Bétique, Gauloise 2 ou 3
Céramiques : Dolia et doliola, sigillée arétine, céramique commune Autre : Verre, noix, noisettes |
Lieu d'exposition | Dépôt archéologique des Milles, Aix-en-Provence ; Drassm, Marseille ; Musée de Bastia |
Contexte |
Géologie : sable
Situation : immergé Profondeur : - 20 m |
Historique des recherches |
Déclaration : 1992 - Louis Ambrogi, Franck Allegrini-Simonetti et Michel Oliva
Expertise: 1993 - Hélène Bernard, Martine Sciallano Opérations: 1994 et 1997-1999 - Martine Sciallano (fouilles programmées) |
Commentaires | |
Rédacteur | Elyssa Jerray, en collaboration avec Sabrina Marlier |