L’épave de l’Alice Robert, dit le “Bananier”, repose à 48 m de profondeur au large d’Argelès-sur-Mer dans le Parc naturel marin du Golfe du Lion. Ce cargo à vapeur frigorifique français construit en 1934 au Danemark est réquisitionné et armé en bâtiment de guerre par la Kriegsmarine en 1943. Il est torpillé le 2 juin 1944 par un sous-marin anglais. Brisé en deux, le navire sombre entraînant avec lui 27 soldats allemands.
L’Alice Robert est une épave emblématique des plongeurs de la Côte Vermeille.
Les visites sur le “Bananier” débutent dès le début des années 50 au moment de la démocratisation du scaphandre autonome Cousteau-Gagnan.
En 2015, l’épave fait l’objet d’une première opération de déminage pour neutraliser les grenades anti-sous-marines se trouvant à bord et à proximité du navire.
Trois ans plus tard l’épave est choisie pour intégrer le programme S.O.S (Save Our Shipwreck) avec le HMS Daffodil qui se trouve dans la Manche au large de Dieppe. La première et unique mission sur le site est réalisée en octobre 2019.
Lors de la tempête Gloria qui frappe le sud de la France en janvier 2020, l’épave s’effondre à certains endroits. L’Alice Robert, toujours chargée d’une quantité importante de munitions, est alors interdite à la plongée pour des raisons de sécurité.
Après un total de six opérations de déminage, la préfecture maritime autorise à nouveau la plongée sur l’épave le 9 juin 2023.
Les pêcheurs du secteur accrochent leurs chaluts à plusieurs reprises sur un point très précis qu’ils communiquent aux nageurs de combat s’entraînant à Port-Vendres. Ces derniers décident de plonger au point indiqué et découvrent une épave impressionnante coupée en deux et recouverte de langoustes.
Le 10 mars 1950, Frédéric Dumas, l’un des trois “Mousquemers”, descend sur l’épave de l’Alice Robert dans l’espoir de remonter de la wolframite, un minerai précieux. Cependant le minerai présent dans la cale du navire n’est que du minerai de fer sans valeur.
Deux ans plus tard, il retourne sur le navire pour l’explorer et remonte avec son équipe plusieurs objets. Feux de pomme de mât, cloche du navire, vaisselle et jumelles de tir sont ainsi arrachés à leur sanctuaire sous-marin, à une époque où les archéologues ne s’intéressent guère aux vestiges des guerres contemporaines.
D’autres “prélèvements” sont effectués par les plongeurs dans les décennies suivantes, que ce soit pour garder un souvenir de sa plongée ou pour les revendre à des amateurs de militaria.
Lors de la première mission S.O.S. qui se déroule du 7 au 11 octobre 2019 sous la direction de Lila Reboul (Drassm), des échantillons d’eau de mer, de sédiments et un morceau de tôle sont prélevés sur l’épave de l’Alice Robert.
Pendant quelques années, les plongeurs démineurs du GPD Méditerranée sont les seuls à se rendre sur l’épave, interdite à la plongée depuis juillet 2020, pour neutraliser le grand nombre de munitions présentes sur le site. Au fil des différentes opérations de “dépollution pyrotechnique” pas moins de 333 obus (20 à 105 mm) et 6 grenades sont détruits.
Aujourd’hui, si la plongée est de nouveau autorisée sur la partie avant de l’Alice Robert, il n’est plus possible d’en explorer l’intérieur.
La cargaison de l’Alice Robert au moment de son naufrage est bien différente de celle pour laquelle le navire a été conçu.
En temps de paix, les fruits et autres matières périssables provenant des anciennes colonies françaises d’Afrique garnissent les quatre cales réfrigérées du navire. Cette activité de transport de fret se poursuivra jusqu’à fin 1942, sous bonne escorte.
Lorsque les Allemands prennent possession du navire, les cales accueillent une cargaison d’un tout autre genre : les munitions sous-marines ont remplacé les bananes…
Sous l’eau, la vie à bord se révèle : une salle de bain, la cuisine, la salle à manger des officiers, plusieurs cabines, la salle des machines et la timonerie étaient jusqu’à 2020 accessibles aux plongeurs. Les vestiges de présence humaine et militaire sont partout et des instruments de musique auraient même été observés à proximité de l’épave dans les premières décennies de sa vie sous-marine.
L’Alice Robert est un cargo à vapeur spécialement conçu pour le transport des fruits. Construit au Danemark en 1934, ce bâtiment de 88,3 m de long pour 14,65 m de large est l’un des premiers navires frigorifiques français. Il assure alors le transport des fruits, notamment des bananes, entre les colonies et la métropole.
Armé une première fois au début de la guerre de deux canons de 90 mm, il est transformé en navire d’escorte par la Kriegsmarine début 1943. L’armement du navire devient alors très conséquent : canons de 105 mm, mitrailleuses, mortiers et stock de grenades sous-marines sont répartis sur toute la longueur du bâtiment.
Sous l'eau, les deux parties de l’épave sont posées sur la quille et espacées de 200 m. La première et la plus grande (2/3 environ) permet au plongeur de découvrir les différentes pièces d’artillerie du navire ou encore les ancres à poste dans leur écubiers. La seconde correspondant à la poupe du navire, beaucoup moins visitée, est recouverte de filets de pêche.
Construit aux chantiers navals de Nakskov sur l’île de Lolland au Danemark pour le compte de la Compagnie Franco-Coloniale de Navigation, ce navire à vapeur de 2 588 tonneaux a une capacité de chargement de 3 700 m3.
L’ajout des deux canons de 90mm, l’un à l’avant et l’autre à l’arrière de l’Alice Robert a lieu en décembre 1939. L’équipage est alors complété de 5 canonniers du Centre d’Armement Militaire des Bâtiments de Commerce.
Lorsque l’ensemble de la flotte française passe aux mains des Allemands, le bâtiment est remanié et armé de trois canons de 105mm, quatre pièces d’artillerie de 37mm, 16 pièces d’artillerie de 20mm. Cet important armement anti-aérien est complété de trois grenadeurs, six mortiers, d’un radar et d’un système de détection de sous-marins pour lutter contre la présence en Méditerranée des sous-marins alliés.
Depuis son naufrage en 1944, le “Bananier” s’est dégradé : les manches à air ont disparu, la cheminée est tombée, les garde-corps autour des canons de 105 mm n’existent plus, le mât toujours en place jusqu’à la tempête Gloria est aujourd’hui effondré…
Bien que l’épave reste impressionnante par sa taille et sa conservation, ces différents changements prouvent la fragilité et la rapidité de corrosion et de dégradation de ces épaves modernes très appréciées des plongeurs.
Lorsque la guerre éclate en 1939, l’Alice Robert est réquisitionné et passe au service de l’État français. Armé pour se défendre et mis sous escorte, il continue d’assurer le transport du fret jusqu’en décembre 1942 où il est remis à la Kriegsmarine comme l’ensemble de la flotte de commerce française.
Renommé SG-11 et transformé en navire d’escorte, il participe en 1943 à l’évacuation allemande de la Corse. Il assure par la suite des missions de surveillance et d’escorte entre Sète et l’Espagne, secteur où les sous-marins britanniques sont de plus en plus présents.
Le 2 juin 1944, il est pris en chasse et torpillé par le sous-marin britannique Ultor. Le navire coupé en deux coule en moins de 10 minutes. Sur les 202 hommes que compose l’équipage, 10 ne survivront pas au naufrage et 17 seront portés disparus.
Si durant la “drôle de guerre” l’Alice Robert n’a pas à craindre d’attaques ennemies lors de ses traversées, la situation s’avère bien différente après l’armistice de 1940 signé par la France et le Troisième Reich. En effet, les Anglais coulent entre le 3 et le 6 juillet 1940 une partie de la flotte de combat française à Mers-el-Kébir et décrètent un blocus des côtes atlantiques et méditerranéennes. Le navire poursuit cependant son activité entre les côtés de la Méditerranée, le Maroc et Dakar, sous bonne escorte.
En décembre 1942, la Wehrmacht occupe la zone libre. L’Alice Robert passe sous pavillon allemand et est affecté à une flottille d’escorte sous le nom SG-11. Il effectue plusieurs missions d’escorte en mer tyrrhénienne où les convois seront attaqués à plusieurs reprises.
En 1943, à la suite de l’armistice de Cassibile, les Allemands évacuent la Corse. Le SG-11 assure alors la protection des MFP qui embarquent les soldats à leur bord.
Les missions de l’Alice Robert reprennent, cette fois entre Marseille et l’Espagne. Le 2 juin 1944 au matin il appareille de Port-Vendres pour une mission de surveillance anti-sous-marine en compagnie du SG-21. Une demi-heure après sa sortie du port, une torpille atteint l’arrière-bâbord du navire en dessous de la ligne de flottaison. L’évacuation est ordonnée et les survivants sont recueillis par plusieurs embarcations.
In-situ
Collections privées d’objets remontés par d'anciens plongeurs.
Le sous-marin Ultor, commandé par le capitaine George Edward Hunt, détient le record de navires ennemis coulés (30) par sous-marin britannique.
Pays | France |
Aire marine protégée | Non |
Département | |
Commune | Argelès-sur-Mer |
Lieu-dit | Au Nord du Cap Béart |
Code EA | 30-1148 |
Nature du site | Épave de navire |
Chronologie | Période contemporaine |
Indicateur de période | Coque, archives, mobilier de bord, armement, canons |
Structures | coque |
Mobilier |
Amphores :
Céramiques : Autre : Vaisselle, objets de vie quotidienne, armement, baignoire, cuisinière, munitions |
Lieu d'exposition | In-situ |
Contexte |
Géologie : Sable et vase
Situation : Immergé Profondeur : Plus de 40 mètres |
Historique des recherches |
Déclaration :
Expertise: Opérations: 2019 - Lila Reboul (projet S.O.S.) |
Commentaires | |
Rédacteur | Claire Destanque |