L’épave C de la Fourmigue gît par 60 mètres de fond au large de la tourelle du même nom dans le Golfe-Juan. Il s’agit d’un petit navire chargé d’amphores de vin italien et d’objets d’artisanat de luxe en bronze tout à fait exceptionnel.
L’épave a été déclarée en 1980 après un pillage important et a fait l’objet d’une série d’opérations de sondage et de sauvetage ponctuels. Le naufrage est à situer entre 80 et 60 av. J.-C.
Avant même d’être déclarée par Bernard Nancey et Philippe Ledain en 1980, l’épave avait été fortement pillée. Seule une partie des objets remontés par les plongeurs clandestins a pu être saisie. Une première opération de sondage fut autorisée par le DRASSM et conduite par les inventeurs en 1981. Au cours de la même année, pour contrer le pillage incessant du site, le DRASSM et la Marine Nationale ont organisé une série d’opérations ponctuelles de sauvetage. Ces interventions ont permis de mettre au jour, de sauvegarder et d’étudier une partie du site et de la cargaison.
En 1980, après une première mission de quelques jours de prospections sur le site et une seconde phase de travaux avec des plongeurs maniant un aspirateur à air et pratiquant la plongée classique, une troisième opération de quelques semaines a été menée avec des moyens importants, en partie expérimentaux pour la plongée. L’utilisation d’une tourelle de plongée a permis en effet de disposer de 40 minutes de travail au fond et de faire les paliers au sec. Ces opérations, dirigées par Bernard Liou et Luc Long (DRASSM) ont permis de prélever encore quelques amphores, quelques fragments d’objets en bronze et de mettre au jour une partie de la coque. Le caractère essentiellement négatif des sondages effectués et les dimensions de la varangue prélevée, ont révélé la présence d’un petit navire.
Le chargement principal du navire, tel qu’il nous est parvenu, comprend une centaine d’amphores italiques hellénistiques dédiées au transport du vin, dont la majorité provient d’Italie centrale tyrrhénienne et porte diverses estampilles.
L’originalité et la richesse de l’épave de la Fourmigue C résident dans le lot de mobilier en bronze que transportait le navire. Ce lot exceptionnel, qui inscrit la Fourmigue C dans le corpus très restreint des frets d’œuvres d’art ou d’artisanat de luxe, comprend divers éléments de décor de lits et différents vases partiellement conservés. Ces objets sont très proches, formellement et stylistiquement, de ceux trouvés sur les épaves sensiblement contemporaines de Madhia (Tunisie) et d’Anticythère (Grèce) et pourraient provenir des mêmes ateliers hellénistiques, probablement situés à Délos (Grèce).
Un des objets les plus célèbres est la grande situle, restituée à partir de plusieurs éléments de bronze trouvés isolément. Elle est richement décorée avec des masques dionysiaques.
Les autres éléments de bronze sont représentés par une anse de petite situle, un protomé à tête de mule bachique ou dionysiaque, deux pièces d’un pied de candélabre, une anse d’œnochoé ornée de cabochons figuratifs, des fragments de plats, un miroir et une monnaie (petit bronze massaliote).
Un petit lot de céramiques communes et fines est interprété comme appartenant au mobilier de bord. D’autres objets y étaient associés : un mortier en marbre avec un pilon en forme de doigt, une meule, des échantillons de marbre, plusieurs pierres de touche, divers objets et vases en plomb ou en étain, des plombs de pêche et des ossements de bœuf et de porc.
Le matériel céramique et amphorique s’accorde pour dater le naufrage dans la première moitié du Ier siècle avant J.-C., plus vraisemblablement dans une fourchette entre 80 et 60 av. J.-C.
Des 116 amphores italiques hellénistiques connues sur le site, 111 appartiennent au type Dressel 1B, deux sont proches du type Dressel 1A et trois se rattachent au type Lamboglia 2. La majorité des amphores Dressel 1B porte des marques de potiers sur la lèvre ou, dans une dizaine de cas, à la base de chaque anse. Ces timbres sont constitués de deux, plus rarement de trois lettres : ces derniers représentent des noms abrégés, probablement des noms d’esclaves ou d’ouvriers potiers. Tous ces timbres indiquent une aire de production connue dans le sud de la région Toscane (Italie actuelle) : les fours d’Albinia (Grosseto). La diffusion de ces amphores concerne presque exclusivement la Gaule et une région en particulier, le pays des Eduens. Une des amphores Lamboglia 2 porte une estampille TERE, probablement une abréviation du nom Terenti. Il s’agit également d’amphores vinaires, mais celles-ci sont produites sur la côte adriatique de l’Italie.
Le fret du navire est complété par un chargement d’objet d’artisanat de luxe, vraisemblablement à l’attention d’une riche clientèle de province : des lits et de la vaisselle en bronze.
Les éléments de lits représentent plus de 300 pièces : plusieurs pieds reconstitués, des accoudoirs (fulcra) richement damasquinés (argent et cuivre) et ornées de protomés à tête de cheval, de mule, de canard, et de médaillons à l’effigie de Silène et d’Artémis, des lames de sommiers, des gaines de cadre (sponda) également damasquinées. Les éléments de pieds de lits portent des marques gravés, au trait ou en pointillés, représentant des lettres grecques numériques destinées à faciliter le montage du meuble. Il est difficile de dire quelle était le nombre de lits et de déterminer la proportion de ce fret par rapport au chargement d’amphores. Il semble néanmoins, compte-tenu des éléments de cadres et de pieds, qu’il y en avait un nombre important.
D’autres éléments de bronze, trouvés isolément, appartiennent à une grande situle richement décorée. Le rebord et les pieds sont ornés de motifs géométriques et deux masques dionysiaques entourés de pampre (rameau de vigne) étaient appliqués à la base de l’anse. Nous savons que les deux masques ont été remontés de l’épave mais l’un d’entre eux est resté aux mains des clandestins. Bien que fragmentaire et lacunaire, la situle a pu faire l’objet d’une restitution. Son origine est à chercher en Egypte (Alexandrie) ou en Grèce (Délos).
L’élégant mortier de marbre avec pilon en forme de doigt appartient à un type très diffusé à Délos (Grèce) et présent sur l’épave de Mahdia (Tunisie). Cet objet, associé aux échantillons de marbre nous invite à envisager la présence d’un commerçant spécialiste du commerce d’art à bord du navire ; il emportait probablement avec lui des échantillons pour faire choisir la qualité du matériau à ses clients et des cadeaux ou des marchandises plus courantes (le mortier).
Le lot de vase en céramique commune comprenait trois pichets à une anse, de taille diverses, un olpé en céramique à pâte claire, deux lagynoi, diverses urnes dont une en céramique modelée à décor peigné provenant des ateliers situés dans le massif des Alpilles. A ceci, il faut ajouter quatre vases tronconiques très particuliers dont la fonction a suscité diverses hypothèses : vases à cuire le lait (le plus vraisemblable) ou à rafraîchir le vin. Seulement deux vases en céramique fine ont été récupérés, une coupe à vernis noir de production campanienne B étrusque et une pyxide à vernis noir de production campanienne C.
Plusieurs hypothèses ont été formulées sur l’origine, la route et la destination de ce navire. Si l’escale en Etrurie pour embarquer les amphores Dressel 1B est sûre, le point de départ est à rechercher probablement en pays grec, à Délos ou au Pirée (le Port d’Athènes), origine de l’épave de Mahdia, si semblable à celle de la Fourmigue C. La très large diffusion des amphores Dressel 1B dans la Bourgogne actuelle, la présence d’un vase modelé produit dans les Alpilles et d’un petit bronze de Marseille, sont les traces probables d’un voyage antérieur et représentent autant d’indices qui laissent envisager que ce bateau se dirigeait vers Marseille ou Arles au moment de son naufrage.
Bien qu’aucune étude d’architecture navale n’ait pu être entreprise sur les vestiges du navire, l’échantillonnage prélevé (une varangue) et les parties de coque aperçues lors des sondages permettent de restituer un bateau de petite taille, de moins de 20 m de longueur, chargé de peu d’amphores (env. 300 ?) et d’une petite cargaison complémentaire de grande valeur.
Quatre disques de bois assimilés aux vestiges du système de pompe de cale du navire ont également été remontés.
La présence d’une dizaine de fragments de tegulae pourrait faire penser à un abri situé sur le pont du navire.
Musée de Nice-Cimiez - 160 avenue des arènes - 06000 Nice
Tél. : 04 93 81 59 57
Pour le dépôt de conservation du mobilier, s’adresser au DRASSM
Les os de porc et de bœuf, portant des traces de découpes, montrent que cette viande représentait une partie importante de la nourriture conservée et consommée à bord des navires. Les plombs à lester les filets de pêche indiquent clairement que le poisson pêché à bord constituait une autre bonne part de l’ordinaire des personnes embarquées. Ce sont là les faibles traces de la vie matérielle des quelques hommes qui vivaient sur ce petit navire.
Pays | France |
Aire marine protégée | Non |
Département | Alpes-Maritimes |
Commune | Antibes |
Lieu-dit | Balise de la Fourmigue |
Code EA | 30-228 |
Nature du site | Épave de navire |
Chronologie | Antiquité |
Indicateur de période | Cargaison, amphores italiques républicaines/hellénistiques, mobiliers en bronze, céramiques. |
Structures | Cargaison, coque, disques de pompe de cale. |
Mobilier |
Amphores : Amphores italiques républicaines/hellénistiques, Dressel 1B, 1A, Lamboglia 2.
Céramiques : Céramique commune italique, céramique fine à vernis noir (Campanienne B et C), céramique modelée des Alpilles Autre : Bronze: nombreux éléments de lits, situle, œnochoé, candélabre, miroir, monnaie. Mortier en marbre avec pilon en forme de doigt, meule, échantillons de marbre, plusieurs pierres de touche, vases en plomb ou en étain, plombs de pêche, ossements de bœuf et de porc ; varangue, disques de pompe de cale. |
Lieu d'exposition | Musée de Nice - Cimiez. |
Contexte |
Géologie : Vase
Situation : immergé Profondeur : - 60m. |
Historique des recherches |
Déclaration : 1980 - Philippe Ledain, Bernard Nancey
Expertise: 1980 - DRASSM, Marine Nationale. Opérations: Bernard Liou, Luc Long, DRASSM, Marine Nationale. |
Commentaires | |
Rédacteur | Franca Cibecchini |