L’épave du Grand-Saint-Antoine a été découverte en 1978. Elle gît enfouie au nord de l’île de Jarre (archipel de Marseilleveyre, Marseille) entre 10 et 18 m de profondeur. Cette flûte de commerce, navire à trois mâts carrés, est à l’origine de la Grande Peste de Marseille en 1720. Après avoir été isolée, elle a été échouée et brûlée volontairement à l’été 1720.
L’épave du Grand-Saint-Antoine, dont le sabordage est sommairement décrit dans les livres d’histoire, a été identifiée et déclarée par C. Barsacq et D. Mouyssinat en juin 1978. Ses vestiges se composent de deux ensembles distants d’une trentaine de mètres. Confiée à l’ARHA, la fouille de l’épave s’est déroulée durant cinq campagnes de 1980 à 1984.
Le navire, abandonné au mouillage durant l’été 1720, commençait à se dégrader et à s’ouvrir lorsqu’il a été amené dans la crique de l’île de Jarre, à la fin du mois de septembre, pour y être incendié. Les fouilles, dirigées par Michel Goury (ARHA), ont mis au jour une grande ancre qui a probablement servi à effectuer la manœuvre délicate qui consistait à amener et immobiliser le navire dans un espace aussi restreint.
Le gisement se compose de deux fragments de coque. L’un gît à 10 m de profondeur à l’entrée de la crique de l'île Jarre, l’autre, plus petit, repose à 18 m de profondeur à l’extérieur de celle-ci.
Les fouilles de l’épave ont nécessité un aménagement de l’îlot attenant car elles devaient se dérouler dans un site mal abrité. Un débarcadère sommaire et une plateforme, sur laquelle a pu être établi un abri (pour les plongeurs et pour le matériel), furent ainsi réalisés par les fouilleurs. Au terme de ces campagnes de fouille, les structures mises au jour ont été ré-ensablées.
Le fret de ce vaisseau est mieux connu par les archives que par les vestiges archéologiques. Il consistait en de nombreuses balles de diverses toiles, cotonnades et soieries, provenant de Méditerranée orientale. L’épave n’a fourni qu’une quantité réduite de mobilier car la cargaison avait été déchargée, et le navire a été vidé avant d’être brûlé.
C'est le lest, constitué de sacs de cendre laissés à bord et mentionnés par les archives, qui a permis l’identification du de l'épave.
La cargaison avait été débarquée et mise pour partie en quarantaine peu après l’arrivée du navire dans la rade de Marseille. La partie la plus précieuse du chargement, les balots de soiries, avait été rapidement débarquée aux infirmeries du port. C'est vraissemblablement à cause de ce débarquement contraire aux instructions sanitaires que le bacille de la peste, vehiculé par les puces infestant les tissus, s'est répandu dans la ville.
Le navire avait de plus été débarrassé de tout élément mobilier une fois que la décision de le brûler avait été prise en juillet. Les vestiges du fret et les témoignages de la vie à bord découverts lors de la fouille sont donc peu nombreux. Ils se résument à de rares fragments de vaisselle (une céramique de la vallée de l’Huveaune, un pichet de type Faenza, des fragments de grosses jarres et de marmites), à quelques boulets, à des éléments d’accastillage et à des objets de la vie quotidienne (des fourneaux de pipe, un encrier en bronze, une cuillère en fer, etc).
In situ, en dehors du fond de carène, les vestiges les plus conséquents sont ceux du lest. A Seyde, l’actuelle Saïda (Liban) le navire avait, en effet, chargé cinq cents sacs de cendre destinés à servir de lest au navire lors de sa navigation. L'empreinte spectaculaire que la toile des sacs a laissée par endroits sur les masses cendreuses ont grandement contribué à l’identification de cette épave. L’identification à également été confortée par la position particulière du navire par rapport à l’île et par la présence, habituelle à cette époque sur des navires de commerce, d’une artillerie embarquée.
Le Grand Saint-Antoine était une flûte hollandaise. Ce type de navire à trois mâts carrés avait le plus souvent une longueur voisine de 37 m, une largeur au maître-bau de 7,50 m et un creux de 3,80 m. Il s’agissait d’un navire de charge ventru et au tableau arrière si arrondi que la poupe des flûtes a pu être comparée aux «fesses de poissonnières». La capacité de charge du Grand Saint-Antoine était estimée au XVIIIe s. à environ 7000 quintaux marseillais (soit 266 tonnes de port en lourd). La fouille de l'épave a mis au jour un important fragment de fond de carène. Elle a mis en évidence la cohérence des dimensions de ses structures avec les normes de l’époque moderne.
Le principal fragment de carène étudié se rapporte au côté tribord du navire. Il a permis de déterminer que le vaisseau possédait un fond plat. Un fragment de quille, une quinzaine de membrures et une dizaine de bordages ont pu être relevés. Des varangues plates et des genoux constituaient la partie centrale de couples principaux. Entre ces derniers, venaient s’intercaler des couples de remplissage dont le départ se faisait à environ 1,20 m de la quille. Le navire était doté d’un vaigrage.
L’étude des structures a révélé divers modes d’assemblages pour les éléments structurels de la coque.
Un assemblage par écart à empatture lie, par exemple, deux éléments de la quille. Les varangues et les genoux sont assemblés par superposition en sifflet renforcé de chevilles. Les virures du bordé sont assemblées à franc-bord. Les bordages qui composent ces virures sont liés par un écart horizontal à empatture. Une virure de doublage intérieur, placée contre la quille, assurait le contact entre les varangues plates et le bordé.
L’histoire du Grand Saint-Antoine, particulièrement présente dans la culture marseillaise, peut être restituée grâce aux nombreux documents d'archive. Lorsqu’il arrive à Marseille le 25 mai 1720, ce vaisseau est chargé de près de 900 balles de toiles embarquées dans la région de la Syrie en Méditerranée orientale. Le premier échevin de Marseille (officier de la Ville nommé par la Bourgeoisie) est propriétaire d’une partie de cette cargaison qui vaut une fortune. Le navire transporte également le bacille de la peste. Malgré les décès suspects survenus durant la traversée et durant la première quarantaine effectuée à Pomègues, la valeur de la cargaison et l’importance politique de ses propriétaires donnent lieu à diverses manipulations pour pouvoir abréger la quarantaine obligatoire et débarquer au plus vite les marchandises. Contrairement aux instructions sanitaires de 1716, les balles d'étoffes précieuses du Grand Saint-Antoine sont débarquées aux infirmeries du port et n'effectuent pas la quarantaine prévue à l'île de Jarre. Véhiculée par les puces infestant les ballots de tissus, l'épidémie se répand dans la ville et les premières victimes marseillaises succombent en juin.
Le Régent Philippe d'Orléans ordonne la destruction du Grand Saint-Antoine le 28 juillet, mais le navire ne sera brulé qu'à la fin du mois de septembre, après avoir été isolé à la pointe de l’île de Jarre. Cette destruction tardive n'enraye pas l'épidémie dévastatrice qui s'étend rapidement à l'ensemble de la région et qui sévit jusqu’en 1722. Pour tenter de contenir l'épidémie, un mur de la peste est érigé dans l'arrière-pays provençal, il est encore visible aujourd'hui dans les Monts du Vaucluse. La grande peste de Marseille a causé près de 100 000 décès soit près d'un quart de la population de la Provence. A Marseille même, près de la moitié de la population de la ville est décimée par la peste entre l'arrivée du Grand Saint-Antoine et le printemps 1722.
Musée d'Histoire de Marseille - 2 Rue Henri Barbusse - 13001 Marseille
Tél. : 04 91 55 36 00
Quelques liens sur la toile :
L'ancre découverte sur le site du Grand Saint-Antoine a été sortie le 14 septembre 2012 du bassin de l'INPP à la Pointe Rouge où elle était conservée depuis les fouilles des années 1980. Après un traitement dans le laboratoire A-Corros à Arles et est exposée au Musée d'Histoire de Marseille.
Pays | France |
Aire marine protégée | Parc national des Calanques |
Département | Bouches-du-Rhône |
Commune | Marseille |
Lieu-dit | Calanque Nord-Est de l’île de Jarre |
Code EA | 30-273 |
Nature du site | Épave de navire |
Chronologie | Période moderne |
Indicateur de période | Archives, structures, boulets ramés, mobilier. |
Structures | Coque, lest, accastillage, ancres. |
Mobilier |
Amphores :
Céramiques : Autre : Boulets, mobilier de bord (rare : vaisselle, pipes). |
Lieu d'exposition | Musée d'Histoire de Marseille, Marseille. |
Contexte |
Géologie : Sable
Situation : Immergé Profondeur : - 10m. |
Historique des recherches |
Déclaration : 1979 - Daniel Mouyssinat , Christian Barsacq
Expertise: Opérations: 1980-1984 - Michel Goury, ARHA (fouilles programmées). |
Commentaires | |
Rédacteur | Xavier Corré |